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« On nous demande à l’église : qu’est-ce que Jésus aurait fait ? Quand je vois Jabez, je me demande surtout : qu’est-ce que Jésus aurait pensé ? dit Claudia.

— Qu’il ment, dit Whit.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— Je le sens. Il ne veut qu’une chose, se faire de la pub. L’affaire Pete Hubble, s’il peut y associer son nom de manière positive… c’est du pain bénit pour lui.

— Votre Honneur, pour l’instant vous ne pouvez pas prouver que Jabez ment. Idem pour Faith Hubble… et tous les autres, se dépêcha-t-elle d’ajouter.

— Tu crois que Faith ment ?

— Elle n’a pas l’air sereine.

— Ne prends pas de gants…

— Elle a menacé ma famille. Indirectement. Elle a laissé entendre que mon père pourrait perdre son permis de pêche.

— Tu n’as pas dû bien comprendre.

— J’ai trop bien compris. J’avais envie de la gifler. »

Claudia bifurqua sur l’autoroute 35 en direction de Port Léo.

« J’ai senti une drôle de tension entre toi et Faith Hubble, hier soir, poursuivit-elle.

— Rien de grave. Je la connais depuis longtemps. Elle s’inquiète pour son gosse.

— Ne laisse pas votre amitié influencer ta vision des choses.

— Je vais vite me lasser d’entendre les flics me dire ce que je dois ou ne dois pas faire.

— Du calme ! »

Whit attendit un moment avant de demander :

« Alors, dis-moi ce que tu penses vraiment, Claudia.

— Ton avenir est en jeu, Whit. Je sais que tu veux être réélu, même si tu prétends ne pas vouloir t’abaisser à faire campagne. Personnellement, je ne me vois pas en train d’examiner des cadavres avec ce gros con de Buddy Beere. Mais si la presse te soupçonne de protéger les Hubble, elle ne te fera pas de cadeau. Tôt ou tard, Velvet leur révélera la vérité sur la carrière de Pete. Ça va faire les gros titres, et alors tu auras intérêt à mener les choses de manière irréprochable.

— Toi, par contre, tu as l’air déterminée à abattre les Hubble », répliqua sèchement Whit.

Ils passèrent devant un panneau bienvenue à Port Léo – le bonheur au bord du golfe, entouré d’autres écriteaux mentionnant diverses églises, la chambre de commerce, le club Kiwanis et le Rotary.

« Ce sont eux qui s’en sont pris à moi. À ma famille, bon sang ! Je ne vais pas me laisser impressionner, Whit.

— Je pense quand même que tu te trompes au sujet de Faith. »

Ils arrivèrent au centre-ville, et Claudia se gara devant le commissariat.

« Je n’ai pas l’intention de me disputer avec toi, juge. Explique-moi plutôt pourquoi Heather Farrell affirme que Pete considérait Jabez comme responsable de la mort de Corey. Comment savait-elle que Pete connaissait Jabez ?

— Peut-être que c’est elle qui connaît Jabez.

— J’irai lui poser la question. »

Whit se tourna vers Claudia.

« Admettons que Jabez dise la vérité, que Pete croyait vraiment que son frère était encore en vie… Où Corey a-t-il passé toutes ces années ? »

 

Il ne restait guère de place dans le bureau de l’inspectrice. Les yeux rouges de fatigue, Delford était affalé sur la chaise en bois qui grinçait près de Claudia. Même sa moustache fixée à la brillantine pendouillait sur les côtés. Whit s’assit sur la chaise qu’occupait d’ordinaire Eddie Gardner et posa les pieds sur une pile de papiers.

Il observait Delford et Claudia qui tentaient de démêler les fils.

« La réponse qui paraît la plus évidente est en général la bonne, dit Delford. En l’occurrence, le suicide. »

Claudia secoua la tête.

« Pete habitait sur un bateau appartenant à des criminels notoires. Il voulait prendre à son ex-femme la garde de leur fils. Il avait les moyens de couler la campagne électorale de sa mère. Il enquêtait sur la disparition de son frère – peut-être un meurtre – et lançait des accusations contre une pseudo-star de télé. Tu vois un peu ce qui se dessine devant nos yeux ?

— Tu sais, Claudia, répondit Delford, tu montres aux gens une simple tache d’encre et ils vont tous y voir quelque chose de différent. Pete était un pervers qui n’avait aucun avenir. Ils sont plusieurs à nous avoir dit – des gens qui connaissaient Pete mieux que nous – qu’il déprimait, qu’il semblait même songer au suicide.

— Pour ce qui me concerne, c’est surtout ton entêtement qui me fait songer au suicide.

— Il avait déjà essayé de se tuer il y a plusieurs années. Faith Hubble s’est renseignée auprès de la police de Van Nuys. Il a avalé une tonne de cachets et fait descendre le tout avec de la vodka. »

Delford fit claquer sa langue et ajouta :

« Je suis d’ailleurs surpris que tu n’aies pas obtenu cette information toi-même, Claudia. »

Claudia rougit.

« J’aimerais voir le rapport en question, si ça ne te dérange pas. »

Whit tenta d’intervenir :

« Ce n’est pas parce qu’il a fait une fois une tentative que…

— Ben voyons ! s’exclama Delford. Vous vous obstinez à nier l’évidence !

— Attendez, fit Claudia. Avant qu’on poursuive ce débat, laissez-moi vous dire ce que j’ai découvert d’autre. Pete a fait l’objet de deux arrestations en Californie. Une pour ivresse sur la voie publique, une autre parce qu’il avait troublé l’ordre public. Il tournait une scène en extérieur – nu, évidemment. Enfin, dans les deux cas c’était il y a plus de cinq ans, et il n’a pas fait de prison. »

Claudia tourna la page de son bloc-notes avant de poursuivre :

« Velvet, elle, n’a pas de casier judiciaire. Elle a précisé dans sa déposition que Pete louait son ordinateur portable au magasin Baywater Computers. J’ai appelé le propriétaire : Pete n’a pas rapporté l’ordinateur. Il reste introuvable. Je vais demander à une équipe de plongeurs de le chercher au fond de la marina. Peut-être que quelqu’un l’a balancé par-dessus bord. »

Delford ne montrait aucune réaction.

« Fox s’occupe d’identifier les appels téléphoniques, la plupart vers la Californie, mais la semaine dernière il y en a aussi eu quelques-uns vers un numéro à Missatuck, dans l’est du Texas. Vous connaissez ?

— Jamais entendu parler, dit Delford. Pour te faire plaisir, Claudia, imaginons un instant qu’il s’agisse d’un meurtre. Qui est ton favori ?

— Faith Hubble, répondit Claudia sans hésiter.

— D’accord. Une politicienne respectée, une mère dévouée. Et toi, Whit, même choix ? »

Whit avait l’impression de marcher sur des sables mouvants avec des bottes de plomb.

« Je n’en sais rien. Pete faisait courir un risque à leur campagne. Et il avait vraiment l’intention de se battre pour obtenir la garde de son fils, même si tout le monde pense que c’était voué à l’échec.

— Sauf si Faith avait quelque chose de grave à se reprocher, fit Claudia.

— Difficile à imaginer, répliqua Delford.

— Je parierais sur Junior Deloache ou sur un de ses sbires, dit Whit. Si on est en présence d’un crime, autant aller voir du côté des criminels…

— J’admire ton bon sens, fit Delford.

— C’est toi qui prêches pour la solution la plus évidente. Auquel cas, fit poliment Whit, je dis juste qu’il ne faut pas oublier les Deloache. Il faut que j’y aille. Mon tribunal m’attend. »

Delford attendit que Whit ait refermé la porte derrière lui.

« Tu as fait preuve de négligence, Claudia, dit-il d’un ton dur, chose rare chez lui. Tu aurais dû savoir que Pete avait déjà fait une tentative de suicide. On a l’air de quoi, maintenant ?

— Désolée. Je vais appeler la police de Van Nuys pour en avoir confirmation.

— À toi de jouer. J’ai rendez-vous avec le maire. Tiens-moi au courant. Et tâche de ne plus te planter. »

« Qu’est-ce qui t’arrive, Delford ? Je ne te reconnais plus », se dit Claudia. Elle décrocha le téléphone et demanda à Nelda de la mettre en communication avec leurs confrères de Van Nuys.

 

Faux-Semblants
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